Species (eng.) : Espèce Species (lat., prononcez spe{k}iès) : aspect, apparence, vision.
Au départ, il y a une envie de retourner les choses. De prendre à revers le processus affiné par La Zampa au fil des ans, partir d’un lieu de disparition pour travailler sur une forme d’apparition. D’envisager ici la disparition (du corps) comme objectif ultime. En disparaissant, sonder sa présence. Ensuite, il y a une énigme. Une phrase de Jacques Derrida, projetant vers l’avenir et le passé dans un même geste, renvoyant à une impossible direction. Une phrase aux accents de pressentiment, d’avertissement. Une impasse, presque une menace. « L’avenir est aux fantômes ». De là, le désir de confier à un spécialiste de l’énigme — Caryl Férey, auteur de néopolars — un texte qui s’inspirerait du Livre des morts égyptien. Et le besoin de mettre une silhouette, ou quatre-cents visages, derrière ces invisibles d’aujourd’hui. De les esquisser en creux. "Spekies" est une variation autour de la disparition du corps confrontant un danseur (Magali Milian ou Romuald Luydlin, selon les plateaux) à un guitariste (Marc Sens), 50 couvertures de survie, et quelques dictaphones. Un danseur qui se déleste de tout artifice. Une silhouette interchangeable (parce que les fantômes n’ont pas de sexe), qui semble glisser sur la pointe des baskets* dans le paysage qu’elle se construit, jusqu’à l’engloutissement. Un univers musical sans début ni fin, qui se déploie pour dilater le temps, mettre le corps en tension, dévoiler sa présence par flashs, le vider de sa substance, jusqu’à orchestrer sa disparition. Des membranes métallisées qui se sédimentent en montagnes, se déplacent, se dépiautent, se déplient autour du vide, se transforment en reliques, se déforment et créent des formes, génèrent d’étranges sensations de déjà-vu. Et une hypnotique litanie qui colle au corps, sortie de mille-et-une sources sonores, comme pour pister les oubliés, les éjectés, les effacés de notre temps.
« … celui sur qui la pluie cogne celui qui n’éveille aucun dormeur celui qui en compte des millions celui qui dort dans son corps… celui qui repose entre les roches des grands fonds celui qui croit au nuage de poudre celui qui avale son bras celui qui ferme ses yeux le soir et fait tout rentrer dans la nuit... » Cary Férey
* en un mouvement inspiré du turfing, danse de rue née sur la côte Ouest des États-Unis.
Durée du spectacle : 50 minutes
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