Une "Phrase" unique, ressassée, scandée de refrains obsessionnels, trouée d'apartés réflexifs et de digressions, s'enroule en un long lamento-bouffe. Son mouvement tente de régler le compte des désirs, des angoisses et des chagrins voués à la figure tutélaire de la mère. Jean-Marc Bourg signe là une prestation digne des plus grands diseurs.
La psychanalyse explique qu’un des rôles impartis au père est de donner la parole à l’enfant. Une parole raisonnée, s’entend. En ce sens, Une phrase pour ma mère propose d’entendre un discours dans lequel le père n’aurait jamais existé. Les mots s’enchaînent alors sans sens apparent, reliés entre eux par cousinages sonores, glissements sémantiques, associations d’idées et autres lapsus. Imaginez que ces mots par milliers soient rassemblés en une immense phrase (deux cents pages dans le texte original, signé de Christian Prigent, ramené à trente-cinq par Jean-Marc Bourg pour le spectacle) que débiterait un homme névrosé en parlant de son rapport à sa mère. [...] Pour le comédien, au-delà de la difficulté à mémoriser un texte pourvu d’aussi peu de sens commun, donner un rythme à cette logorrhée relève de la prouesse. Jean-Marc Bourg : «La langue est une maladie contagieuse. La jouer, ou la dire, simplement, s’apparente à une recherche de vaccin. Il faut s’inoculer à soi-même le germe. Il faut faire de son propre corps, de sa propre tête, le terrain de l’expérience.» Pierre Daum, Libération
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